Lire les réflexions quotidiennes de Valéry Zeitoun est toujours un pur plaisir. Au delà de celles qu'il a réunies dans son premier recueil, il poursuit son partage quotidien avec nous. Voici celle du mardi que je partage avec vous. Bonne journée !
Citadin, planter un clou était une expérience très étrange pour moi.
J’ai toujours pensé avoir 2 mains gauches et le moindre effort manuel me rendait loufdingue, de la même façon que le montage d’une putain de table Ikea.
Avant la cambrousse je n’avais jamais créché dans une barraque.
Et une bicoque c’est très agréable mais c’est du taf.
Y’a toujours un pet de travers.
Au début comme tout bon Parigo qui se respecte, j’ai fait appel à un gars du coin pour tondre, planter des clous, réparer, bêcher, bref tout ce que je me pensais incapable de faire.
Mais quand le malfaisant s’est mis à me présenter des notes de plus en plus faramineuses rapport à ce qu’il m’a pris pour un pigeon Lutecien ça m’a mis en rogne.
Alors j’ai décidé de m’y mettre.
J’ai commencé par cesser de me répéter que « j’étais nul, que je n’y arriverais jamais ».
Je suis allé à mon fameux Bricomarché et j’ai suivi des clients.
J’ai choisi les plus cons et j’me suis dit que si eux pouvaient y arriver alors moi aussi.
Et puis j’ai lu les notices avant de vouloir me servir des objets comme un sale chiard citadin impatient que j’étais.
Bizarrement ça marche de lire les notices et de ne pas croire « qu’on sait parce qu’on a fait des trucs quand même beaucoup plus compliqués que de mettre du papier de verre sur une ponceuse ».
Je ne dis pas que je ne me suis pas énervé, les dents serrées à gueuler comme un putois seul dans mon jardin.
D’ailleurs une fois je n’avais pas vu la comtesse sur la terrasse lors d’une de mes colères folles ou j’insultais la debrousailleuse.
J’ai eu droit à un « Mais vous êtes complètement marteau mon pauvre ami avec votre nouvelle copine » qui m’a fait marrer d’abord puis relativiser ensuite.
Depuis avec la debrousailleuse, on ne peut toujours pas se pacter mais je sais m’en servir et changer ses satanés fils de merde qui s’usent toutes les 5 minutes.
Oui la debrousailleuse m’a appris la patience.
La différence aussi entre de l’essence 2 temps et 4 temps.
Des trucs dont je n’avais strictement rien à foutre et qui sont devenus très importants aujourd’hui à mes yeux.
Alors lorsque nous avons décidé de faire un potager je m’en suis fait tout un monde.
La comtesse s’y est mise avec moi.
Elle a acheté des graines qu’elle a fait pousser dans le salon d’abord.
Au début je me suis moqué d’elle lui disant qu’elle était aussi douée pour la semence qu’Arielle Dombasle pour le chant.
Mais ses petites graines ont pris jusqu’au moment où nous avons dû les planter dans le sol.
Alors j’ai bêché à m’en casser le dos après avoir cassé deux manches de bêches tellement je n’étais pas doué.
De l’eau, du terreau, du paillage, de l’attention et de l’amour ont fait le reste.
Hier soir quand j’ai commencé à arroser, mon coeur s’est mis à battre la chamade comme quand on tombe amoureux comme un con.
J’ai vu les tomates et les courgettes commencer à se former…ça m’a fait la même sensation qu’un numéro 1 au top.
Je ne sais pas si nos légumes vont être bons mais ce que je sais, c’est que cette bicoque et son jardin m’ont permis de retrouver le goût de l’effort, l’angoisse du résultat, et le bannissement de la fameuse expression « te prends pas la tête » qui a enfanté des générations de feignants.
J’ai hâte de goûter à nos premiers légumes mais je suis angoissé un petit peu quand même du résultat.
Oui aujourd’hui je me prends le chou et j’aime ça.
Bon mardi ensoleillé sous vos applaudissements.
Le livre de Valery Zeitoun est disponible aux États-Unis :
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