J’aime le foot. Je n’en tire ni honte ni gloire. Qu’on me regarde avec incrédulité ou qu’on me traite de beauf je m’en fous. Je n’essaie ni de me justifier ni de convaincre les sceptiques. Quand on m’en parle, je dis souvent « Tu peux pas comprendre ». Ou alors : « Laisse tomber c’est comme ça ». Parfois, je rajoute même « tais-toi, ça commence ».
Ce sport, même discutable, même en étant loin d’être exemplaire, m’a toujours fait vibrer.
Depuis toute gamine, je vais au stade, je supporte l’OL, je regarde certains matchs de la Champions League et bien sûr ceux de l’équipe de France. J’aime le beau jeu, je suis suffisamment maso pour regarder aussi les prestations parfois indigentes de mon équipe de cœur, je me ronge les ongles quand il y a penalty, je gueule contre l’arbitre, des mots affreux sortent de ma bouche en cas de faute non sanctionnée et je chavire dans une joie difficilement explicable lorsqu’une reprise de volée bien cadrée finit au fond des buts.
Parmi les plus belles soirées de ma vie, je classerais sans hésitations celle du 12 juillet 1998, où on a tellement fait la fête qu’on s’est endormis sur la pelouse d’un parc public. On s’est réveillés au petit matin, hagards, perdus et désorientés mais ivres de bonheur. Les jardiniers qui arrosaient les massifs de fleurs nous ont adressé un clin d’œil complice : on était champion du monde !
Un psy diagnostiquerait sans doute chez moi un besoin d’exutoire, ou une recherche immodérée du fameux « sentiment d’appartenance » et il n’aurait peut-être pas tort (sauf s’il est supporter de l’ASSE auquel cas, quel que soit le sujet, il aura TOUJOURS tort ).
Pourtant, malgré mon amour du foot, pour la première fois de ma vie, je ne suivrai pas une coupe du monde. Et pour ne pas être tentée de revenir sur mon engagement, je fais comme ceux qui claironnent à l’avance la date à partir de laquelle ils vont arrêter de fumer : A partir du 22 novembre, j’annonce que j’hiberne. Je ne veux rien voir et rien savoir de la compétition.
Je ne veux pas être impatiente, je ne veux pas trembler, je ne veux pas me réjouir, je ne veux rien célébrer.
Je refuse d’assister même de loin, à un évènement qui aura lieu dans des stades climatisés à ciel ouvert, alors que partout, on nous parle « d’urgence écologique ».
Je ne veux pas assister à la soumission de joueurs qui mélangent sport, idéologie et politique uniquement quand c’est « tendance » et qui font tout un cirque en s’agenouillant dans les stades occidentaux pour finir par se mettre (virtuellement) à plat ventre au Moyen-Orient.
Je ne veux pas me farcir l’indécence d’écrans publicitaires émanant de sponsors et de marques qui affichent une communication « inclusive » et « Arc en ciel », partout et tout le temps, sauf quand il y en aurait besoin.
Je ne veux pas que les chants et les encouragements des supporters couvrent le silence assourdissant des 7000 ouvriers morts lors de la construction des stades et des infrastructures.
Cet hiver, se tiendra la Coupe du monde. La coupe d’UN monde. Un monde détestable, sans cohérence et sans cœur.
La coupe d’UN monde dont on connait déjà le vainqueur : l’hypocrisie.
Nathalie, vous avez parfaitement décrit et rédigé les faits avec les mots justes. Vous avez osé en parler dans vos écrits et je vous admire. Quand on a lu votre texte, on a tout compris, il n'y a rien à rajouter. Avec des mots vrais, des mots qui percutent, des mots qui saignent pour ces malheureux ouvriers qui ont laissé leur vie : Comme vous le dites si bien Nathalie : La coupe D'Un monde, Un monde détestable, sans cohérence et sans cœur, un monde hypocrite.