"Je ne perds jamais. Soit, je gagne, soit j'apprends" disait Nelson Mandela.
Sans vouloir tomber dans le culte de la positivité à tout prix, la philosophie que j'ai mise en place, il y a bientôt une dizaine d'années, et que je vous recommande repose sur deux axes.
Le premier axe est que nos erreurs ne nous définissent pas. Dans toutes les acceptions du terme "définir" :
· Nos erreurs ne déterminent pas le contenu de notre être. Nous sommes bien plus épais, complexes et riches que la somme de nos erreurs ;
· Nos erreurs ne donnent pas le sens de qui nous sommes. Elles sont la résultante d'un environnement et d'un espace-temps donnés et nous ne les aurions probablement pas commises si les variables avaient été différentes ;
· Enfin, elles ne bornent pas l'horizon de nos possibles. Il y a toujours moyen de les dépasser.
Le second axe est celui de la requalification de l'erreur en expérience. C'est la maxime de Mandela que j'ai mise en exergue et qu'on pourrait paraphraser en ces termes : on ne perd jamais vraiment si on accepte d'apprendre de ses erreurs. Ce n'est pas du temps perdu, c'est de l'apprentissage. Et l'apprentissage est la meilleure façon de connaître les choses en les vivant. On n'apprend pas à nager en lisant un manuel de natation !
Et c'est là que les États-Unis font la différence : là où l'Européen stigmatise l'erreur et marque au fer rouge du sceau de l'infamie celui qui l'a commise, l'Américain la salue comme une étape utile, voire indispensable, à la formation.
Il suffit d'assister à n'importe quelle conférence, quel que soit le sujet traité pour s'en rendre compte : l'Américain racontera en guise d'introduction son enfance difficile, ses addictions, ses faillites, voire même son passage par la case prison. Il le fait pour vous expliquer pourquoi son avis sur un sujet est pertinent : parce qu'il l'a vécu, qu'il a appris et qu'il est aujourd'hui en mesure de transmettre mieux qu'un sachant - qui serait peut-être sinon vierge de toute erreur, du moins préservé des pires -, ce qui vous aidera pour vous en sortir, vous. Oprah Winfrey, une femme qui, malgré certaines réserves que je pourrais avoir pour la dramatisation de ses interviews, force mon admiration, le résume en ces mots : "There is no mistake, because you have a supreme destiny". Il n'y a pas d'erreur parce que vous avez un destin à accomplir. Et que ce destin vous dépasse. Il suffit d'identifier le moment où l'opportunité se présente et de la suivre, non en laissant ses erreurs derrière soi, mais en prenant appui sur elles.
Maintenant, que vous avez tous les outils pour comprendre le mot "erreur" dans un sens constructif, venons-en à celles que je pointe le plus souvent chez les jeunes auteurs. Je commencerai par celle qui me semble la moins problématique pour finir par celle qui me semble requérir le plus d'attention. Numéro cinq Montrer trop vite son texte à ses proches. Le risque majeur est inhibiteur, ou autrement dit celui de vous autocensurer. Il y a certainement un peu de vous, de vos proches dans votre récit. Savoir que vos proches liront vos lignes peut vous rogner les ailes. Attendez au moins d'avoir fini votre premier jet. Faites un comité de lecture (de cinq personnes, par exemple), et ne tenez compte de leurs avis sur un point que s'ils sont concordants. Sinon, oubliez-les. Numéro quatre Vouloir faire trop long. Trois cents pages pour un premier roman, c'est très bien. Sinon les éditeurs ne seront pas intéressés, car investir dans un livre représente un gros budget. Il faut être concis, aller au but. Si vous êtes prolifique, faites une saga ! Numéro trois Placer son histoire dans un contexte socio- ou historico-culturel qu'on ne maîtrise pas. Soit, vous situez votre histoire dans un univers imaginaire - et dans ce cas, vous avez une totale liberté, puisque vous construisez un monde. Soit, vous situez votre action dans un contexte réel sociologique, historique, culturel et géographique connu et vérifié. Deux remarques :
· S'il vous plaît, arrêtez de situer votre action au Kenya ou en Malaisie si vous y avez passé quinze jours de vacances. À la rigueur, y situer une scène, pourquoi pas ? La règle est de consacrer maximum une page à un lieu que vous avez visité : dix jours, dix pages au maximum. Cent jours, cent pages. Ce qui signifie qu'à moins d'y avoir passé un an, vous ne situerez pas toute l'intrigue de votre roman à Zanzibar ;
· Vérifiez absolument tous les détails : les noms des lieux, des rues, le sens de la circulation, le temps qu'il faisait...Vérifiez que le jour de la semaine où se passe l'action coïncide avec le calendrier : le 12, était-ce vraiment un jeudi ? Tout est accessible par Internet. Aujourd'hui, vous n'avez pas d'excuse. Doutez même de vos sources, recoupez-les. Et éventuellement prévoyez un cours séjour sur place lorsque votre premier jet est fini pour effectuer vos dernières vérifications.
Ne présumez pas, enquêtez. Numéro deux Être trop complaisant avec ses personnages. Les Saints n'intéressent plus personne. Donc, pas de Mary Sue et pas de resucée de votre image dont vous aurez éliminé les défauts. Un arc de caractère nécessite au moins deux dimensions, deux pulsions ou traits de caractère a priori incompatibles qui vont mettre le personnage en tension intérieure. Relisez mes chroniques, sur ce blog, qui traitent de la création des personnages.
Numéro un Faire abstraction de la structure du schéma narratif (Exposition, incident déclencheur, complications progressives, crise, climax, résolution/ et les trois actes ou leur évolution contemporaine ...) C'est le problème majeur des écrivains francophones. L'écriture est abordée sous son angle psychanalytique : il s'agit d'un acte conçu comme spontané et cathartique, né de la rencontre fantasmée entre un géniteur céleste, - la muse, l'inspiration-, et la graine de génie qu'il y aurait en vous. La rencontre improbable entre un dieu de l'Olympe et un stress post-traumatique. Rien n'est plus à côté de la plaque. Dans cette conception, si vous ne vendez pas ou que vous n'êtes pas lu, c'est que les autres n'ont rien compris à votre génie, et/ou sont insensibles à la problématique développée dans votre livre. Alors qu'en réalité, aussi génial que soit votre texte, il doit être lisible pour être lu. Ce qui suppose un minimum de structure et de règles. Les auteurs américains l'ont compris depuis longtemps et c'est pour ça qu'ils sont lus et connus mondialement, malgré des traductions approximatives de leurs écrits - et que leurs romans sont le matériau de prédilection d'Hollywood.
Il va donc falloir vous faire violence et rendre votre texte efficace si vous voulez être lu. Pour ce faire, vous avez deux options : - soit partir d'une trame narrative donnée, comme celle de mon "Voyage Narratif" et construire votre histoire en vous basant sur celle-ci ;
- soit passer votre histoire, rédigée à "l'inspiration", au contrôle-qualité rigoureux, et même intraitable, de ce schéma narratif avant de penser à la publier. Ce contrôle-qualité vous obligera à restructurer votre texte. À ajouter des passages. À en retirer. N'ayez crainte, rien ne se perd, rien n'est écrit par erreur. Ce que ce contrôle, a posteriori, vous fera retirer de votre texte, vous le rangerez précieusement pour vous en resservir. Ne vous censurez pas : il faut toujours écrire quand on en sent l'impérieux besoin. À la fin, on en fera toujours quelque chose. En attendant, il faut écrire, parce que c'est ce que font les écrivains. Et que, oui, vous êtes un écrivain...
Les romans d'Anna Alexis Michel sont disponibles sur Rencontre des Auteurs Francophones
Retrouvez son interview :
Un vrai plaisir pour les auteurs en devenir ou même plus chevronnés de lire cette chronique du mardi. Merci Anna