FemmExpat reçoit tous les mois Sandrine Mehrez-Kukurudz de Rencontre des Auteurs Francophones pour son coup de cœur littéraire. En septembre "Retour au Dépays" un ouvrage qui fera écho à toutes celles qui sont rentrées en France après de longues années d'expatriation.
« (…) Un pays qui ne ressemble à aucun autre car c’est d’abord celui où l’on est né.»
L’histoire - un retour...
Pierre vit à l’autre bout du monde, dans la plus lointaine des villes des Keys floridiennes, Key West. À cinq heures de la bouillonnante Miami, entre les fantômes d’Hemingway et le restaurant en bord d’eau dans lequel il officie en cuisine.
Trente ans qu’il vit de ce côté-ci de l’Atlantique. Il y a construit une vie qui semble lui aller. Sans trop d’exigence et dans l’acceptation d’une vie routinière sous les palmiers et parmi les touristes. Une femme irlandaise, deux adolescents américains, une existence sans réelles passions et des envies qui se sont émoussées depuis belle lurette.
Jusqu’au jour où Pierre reçoit un appel. Son père se meurt. Il ne survivra pas à la semaine qui s’achève. Contre toute attente et se surprenant lui-même, Pierre saute dans un avion, sans prendre le temps de prévenir sa femme et en embrassant à la va-vite ses enfants. Il rentre en France pour la première fois depuis 3 trois décennies, pour un père qu’il n’a pas vu depuis toutes ces années.
Revient-il réellement pour ce géniteur absent, alors qu’il n’a de larmes à verser pour celui qui a quitté ses enfants encore si jeunes, incapable de les élever ? Revient-il pour retrouver ce pays, seul vestige de cette jeunesse envolée, sur laquelle il se retourne alors ?
La France a changé. Et n’a pas changé. S’il la trouve bien trop américanisée, il y reconnaît pourtant tous ces travers qui font son charme. Il est étranger à l’actualité de son pays et pourtant se sent français comme s’il n’avait jamais quitté l’hexagone. Il ne sait identifier ceux qui envahissent les écrans des télévisions qu’il allume, des politiques aux vedettes de la scène française mais il aime à retrouver les villages, les campagnes et ces discussions de comptoir de café où l’on refait un monde qui va toujours aussi mal.
Ce retour au pays est l’occasion aussi pour Pierre de renouer avec son passé. Les ex petites amies, les vieux copains, sa sœur avec laquelle il n’a échangé depuis dix ans. Ils ont si peu en commun croient-ils. Et cette mère ? Celle qui est partie un jour dans sa huitième année et qui s’est dissipée au fil des années pour disparaître. À jamais ?
Ma critique
On entre dans ce roman de plein pieds. Le genre de livre qui vous aspire dès les premières lignes sans plus vous lâcher. Je ne l’ai refermé qu’une fois la lecture achevée. L’écriture de Dominique Falkner est incisive. Elle ne s’égare pas. Elle touche au but en quelques coups de plume. Elle nous remue. Nous sommes tous Pierre à un moment donné de notre existence. Et cela est encore plus vrai pour nous expatriés. Qui ne s’est jamais posé la question de retourner au pays un jour ? Et à quel moment cela devient une évidence ? Quand les années à l’étranger nous ont coupé trop longtemps du pays qui nous a vu grandir, devenant accablantes même si on a – en apparence- construit nos vies avec brio ?
Quand estimons-nous que nous avons vécu trop longtemps loin des nôtres. Familles, amis, voisins et inexorablement souvenirs. Dominique Falkner écrit bien. Il écrit vrai. Il dérange nos convictions sans jamais nous inclure dans ses réflexions. Mais elles deviennent nôtres.
Ce roman met en lumière aussi la remise en question d’un monde, celui d’un homme à l’aube de sa soixantaine. Il n’est trop tard pour rien. Ni pour prendre conscience de ses erreurs. Ni pour renouer avec ses souvenirs. Et encore moins pour changer un peu le cap de son existence.
C’est enfin le parcours d’un « expat », qui n’avait plus conscience d’en être un et qui revient chez lui pour se rendre compte que toutes ces années loin de la France n’ont pas marqué de vraie rupture. Tout semble reprendre un sens et sa place. Un hier à la mode d’aujourd’hui.
Et inexorablement, il nous force à se poser la question de ce qui motive nos départs. Si l’on part parfois au bout du monde pour fuir, arrive-t-on pour autant à se défaire de ce que l’on tente d’effacer ?
Pierre restera-t-il dans cette France qu’il avait mis en parenthèse pendant trente ans où reviendra-t-il dans ce pays où il a construit tous les jalons de sa vie d’adulte ?
Mon coup de cœur du mois est bien ce roman qui vous parlera certainement autant qu’il vous entraînera dans ce récit réussi.
Pour retrouver l'article originale :
https://www.femmexpat.com/vie-perso/culture/coup-de-coeur-litteraire-sandrine/
Comments