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"REGARDE ! ON ARRIVE À LA FRONTIÈRE ! "

L'auteur Marc Capelle a publié cette semaine une réflexion sur son blog Marc Capelle en ligne(s).


Un article de Jean Quatremer dans Libération, sur « le retour des frontières » a attiré mon attention ce matin. Il y est question de la conduite à adopter, en Europe, face à la pandémie de coronavirus. Dans notre monde ouvert, multipolaire, multilatéral, multi tout ce que l’on veut, il est convenu lorsqu’on évoque un éventuel retour des frontières d’afficher un air horrifié.

A t-on, malgré tout, le droit de se souvenir d’un temps, pas si lointain, où les frontières nous aidaient à dessiner et à comprendre le monde ? J’ai eu la chance d’en franchir beaucoup et pendant longtemps, en voiture, en train, en avion. Si, parfois, j’ai pu être agacé par la lenteur ou la bêtise de certains contrôles (j’en donne un exemple ici), je garde de ces années une certaine nostalgie.


Petit, je franchissais régulièrement la frontière, entre le nord de la France, où j’habitais, et la Belgique. Nous allions, dans la voiture de mes parents, faire des courses à Menin ou jouer au parc d’attractions de Dadizele. A la douane (nous ne disions pas « la frontière »), généralement sans même regarder nos papiers, le policier levait une barrière rouge et blanche et nous savions que nous étions alors en Belgique.


Plus tard, j’ai traversé bien des fois l’Europe et il fallait alors montrer patte blanche en passant d’un pays à l’autre. Passeport, papiers de la voiture, ouverture du coffre… Souvent il s’agissait d’une simple formalité, mais parfois il fallait s’armer de patience. Jamais le passage de la frontière n’était anodin. Barrières, guérites, miradors et chevaux de frise parfois… On voyait, on savait que l’on passait d’un pays à l’autre. Je me suis construit une représentation de l’Europe de cette façon. Aujourd’hui, les limites entre les pays sont invisibles, effacées, inexistantes. Le petit panneau qui indique que l’on entre en Allemagne ou en Hongrie ne fait que tristement illusion.


On l’a oublié, mais les trains s’arrêtaient également aux frontières. Douaniers et policiers montaient à bord et contrôlaient les passagers avec plus ou moins de précision. La peur de l’uniforme fonctionnait bien. Chacun attendait son tour en se répétant mentalement qu’il n’avait rien à se reprocher.


Nous ne pouvons sans doute pas, en Europe, revenir à ce monde-là, sans être accusé de remettre en question la libre circulation des personnes (je ne m’intéresse pas, ici, aux marchandises). Je n’oublie pas que pour beaucoup, le passage d’une frontière a pu représenter un risque énorme, un danger de mort parfois. Je sais aussi que pour les migrants qui tentent chaque jour d’arriver dans nos contrées privilégiées, la frontière est à la fois un horizon rêvé et le plus souvent un obstacle infranchissable.

Pourtant, au risque de passer pour un dangereux réactionnaire, je regrette ces barrières d’autrefois. Sans doute parce qu’elles traçaient les limites d’un monde plus simple.


Marc Capelle est l'auteur de plusieurs livres dont "Terminus Budapest" :


Retrouvez son interview de janvier 2021:


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