Simon Nizard vit grâce aux mots depuis des décennies. Sur les planches, dans les récits de ses romans, lors de ses combats contre la haine… Diffusé aux États-Unis sur la plateforme Rencontre des Auteurs Francophones, il traversera l’Atlantique en novembre prochain pour rencontrer les francophones américains.
Le cœur entre deux rivages
Simon Nizard né de l’autre côté de la Méditerranée alors que la guerre fait rage en Europe. Il passera sa vie entière à soutenir les autres et à se battre contre l’intolérance. De ce combat sont nés de fabuleux romans, dont deux sont présentés en exclusivité aux États-Unis sur Rencontre des Auteurs Francophones, après avoir conquis les Français : Les mains de Fatma et Le jardin des Couscous.
L’histoire de la famille de Simon Nizard raconte l’exil des juifs sépharades, de la fuite d’une Espagne de bûchers, des communautés livournaises exilées en Tunisie aux villes de la Méditerranée françaises. Du côté de son père, ses racines sont ancrées dans le pays de l’olive bien avant la conquête arabe de ces terres ensoleillées. C’est certainement ces effluves d’hier qui ont donné l’idée à Simon Nizard d’écrire Le jardin des couscous, ce joli roman parsemé de recettes de cuisine. Un exercice de style déconcertant et réussi. Un livre qui puise dans l’histoire de l’auteur dont la famille s’est posée la question de savoir que faire après l’Indépendance de la Tunisie en tant que non musulmans, qui n’ont jamais oublié cette terre qui était la leur. Le jeune Simon a alors seize ans, quand il est aidé par les militaires français pour lesquels travaillait son père à rejoindre la France avant que ne débarque à Toulon le reste de la famille.
Cet amoureux de la France et des belles lettres classiques est encouragé par sa mère restée un temps au pays, à lui écrire chaque semaine pour lui raconter la France qu’elle fantasme. Alors le jeune Simon lui parle de celle d’Hugo et de Balzac pour ne pas la décevoir. Ces courriers hebdomadaires romancés marquent ses débuts d’auteur et son écriture se forge sur la qualité de ses mensonges.
En France, le jeune Simon Nizard passera quelques années dans la Marine française. À Toulon, où il rejoint sa famille, il participe à des ateliers de théâtre, lecture ou d’écriture alors qu’il enchaîne mille petits métiers pour manger. Très vite, son talent artistique est apprécié et il compose et chante sur les petites scènes de France, « une formidable partie de ma vie », aime-t-il raconter avec nostalgie. Au-delà du plaisir d’écrire, il découvre que les autres lui trouvent du talent. Et ce sont eux qui le poussent à prendre la plume plus encore. Son inspiration, il la trouve dans les journaux, en se mettant à la place du journaliste qui relate les faits, puis lit sur scène ses écrits. À cette époque, gagner sa vie n’était pas la question. Simon et sa petite troupe sont des exaltés et se produisent partout. De temps à autres, ils enchaînent les petits boulots pour renflouer les caisses. La vie de saltimbanques.
Au temps du Front National
Dès les années 70, Simon lit et écrit beaucoup, notamment sur les ponts entre la France qui l’a accueilli et l’Afrique du Nord qu’il a quittée. L’arrivée du Front National en force dans la sphère politique l’entraîne sur les chemins du combat et sur une nouvelle vie « sociale ». Toulon élit un maire FN en 1998, plongeant Simon dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
En parallèle, Simon rédige beaucoup, notamment en approchant la grande histoire par celles de ceux qui l’ont vécue. « La cuisine est un sanctuaire d’appartenance dans l’exil » raconte Simon Nizard avec des mots qui n’appartiennent qu’à lui. Le jardin des Couscous signe sa pensée. Sorti en 1998 et réédité depuis, le livre connait un joli succès et lui permet de formidables rencontres, dont celle du grand éditeur Maurice Nadaud, qui voudra lui confier une collection, celle qui fait la part belle aux cuisines migrantes.
Des quartiers aux rayons des librairies
L’arrivée du FN dans sa ville l’entraine dans les quartiers difficiles pour travailler avec les jeunes issus de l’immigration. De ces ateliers d’écritures, naîtra le formidable roman Les mains de Fatma. Une écriture entre narration classique et dialogues de la rue. La volonté d’inscrire l’histoire de ces familles et leurs racines dans le bagage mémoriel et culturel de cette jeunesse des quartiers.
Les mains de Fatma est une succession de lettres entre un jeune issu de l’immigration nord-africaine et amoureux de la littérature et son professeur, en convalescence. Une belle histoire à laquelle Simon veut croire en tentant de changer les destins depuis des décennies. De ce livre, il fera des lectures auprès de jeunes enthousiastes, qui se reconnaissent alors dans l’histoire de ce jeune personnage principal.
« L’Amérique me touche »
Dès que l’on parle littérature américaine, Simon s’émerveille. Des noms ? Des Titres ? Il en a tant. Combien de ces auteurs outre-Atlantique l’ont émerveillé et procuré des émotions littéraires inoubliables ! William Faulkner, John Steinbeck ou Philip Roth pour n’en citer qu’une poignée.
Simon Nizard évoque le cinquième amendement avec émotion. La liberté individuelle, chère à ses principes fondamentaux. Cette liberté, il la retrouve dans les romans de Philip Roth d’ailleurs. Lui, l’enfant de l’exil forcé, sait combien les Juifs d’Europe de l’Est, arrivés aux siècles passés, ont pu se reposer sur cette constitution américaine.
De l’Amérique, Simon n’aime pas tout. Le rapport à l’étranger le fait parfois grincer des dents, même s’il reconnait que l’Amérique est une terre d’accueil, il existe parfois un fossé entre le droit et les faits.
Dans les banlieues, il n’oublie pas que les jeunes ont repris le slogan, « freedom, I’m free ». Une démarche qui l’a agité, « typique de l’ignorance de ceux qui pensent que la liberté se ramasse sur les trottoirs. La liberté est une intelligence des contraintes. On ne peut décréter sa liberté dans l’ignorance » se défend Simon.
Une de ses tantes était partie vivre son rêve américain il y a bien longtemps, ayant posé ses valises à Long Island. Il la retrouvera — lors d’une étape à New York — lors de ses années dans la Marine française. Cette tante américaine lui avait alors cuisiné un couscous en terre yankie… Il ne l’oubliera jamais.
Simon Nizard parle aussi avec bonheur de la Nouvelle Orléans, qu’il a découvert à cette même époque. Il tombe amoureux du French Quarter, de cette ville qui vibre aux notes de jazz et des gens qu’il croise alors.
Retour en Amérique en novembre 2022
Il sera en novembre prochain à Miami pour rencontrer les lecteurs francophones du sud de la Floride, lors du Festival des auteurs Francophones en Amérique. À quatre-vingt printemps passés, rien n’arrête Simon Nizard et certainement pas le voyage entre le Sud de la France et Miami.
Sa petite histoire avec la ville qui brille ?
« Mon roman Le goût des pistaches a été lu par un célèbre agent de célébrités à Miami avec lequel je n’ai cessé d’entretenir une relation amicale. Miami c’est aussi l’Europe en Amérique avec ses influences de partout » aime à raconter Simon.
Cette Amérique qui le fascine mais qu’il sait aussi critiquer sur certains aspects, l’accueillera les 18, 19 et 20 novembre prochain à la Maison de la France et de l’Europe.
Bravo Simon, votre parcours attise ma curiosité et me donne envie de découvrir votre univers. J'aime ces univers différents. Un phrase qui m'interpelle dans votre livre le jardin des couscous " Vous me donnez un verre d’eau de Vittel et une pincée de sel, je vous fais la Méditerranée avec tous ses poissons dedans ". Cette phrase résume à elle seule l'auteur que vous êtes Simon. La richesse et la saveur de vos mots se retrouvent dans votre ouvrage. Vos livres méritent largement le détour.