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De ma fenêtre - Benoit Cazabon

En ce 1er novembre, mes yeux s’arrêtent, comme cela arrive si souvent, sur ce formidable arbre dans le parc Jacques-Cartier. J’ai l’esprit rêveur après plusieurs heures de lecture de ce beau livre, Ce n’est pas la première fois que je meurs, de Sylvain Lemay. L’arbre que j’aperçois du coin de l’œil a perdu ses feuilles. Je contemple son majestueux tronc de quelque 10 mètres, droit comme une flèche.

Ensuite, s’élancent cinq embranchements, tout aussi longs, plus effilés vers le ciel. Une canopée de membres plus minces se terminant en brindilles touffues vient former un parasol, du moins l’été en pleine floraison. De quelle essence, est-il? Je devrais bien me procurer cette application qui décrit les arbres, arbustes et autres plantes.


Il est en dormance. Il renaîtra dans six mois. Il le fait chaque année suivant sa propre horloge biologique, insouciant des turbulences mondiales. Je suis attentif à ce mélange d’impressions en moi; la lecture laissée en plan, la vue de cet arbre que j’aime tant. Je fais le vide mental. Éveillé, présent et à la fois contemplatif.


Je prends conscience de la vue plus large du parc. Plus loin, dans la clairière, des chiens amusent leur maître. Chacun prenant plaisir à la présence de l’autre. Une scène qui adoucit les mœurs. J’absorbe ce paysage de vie et de mort réunis : l’arbre inerte dégarni de ses feuilles et le mouvement des êtres sur le parterre. J’absorbe. Qu’est-ce qui s’impose à moi? Ma lecture, ma contemplation.


Mon regard revient tout naturellement vers le pied de l’arbre. J’allais y jeter un dernier regard avant de passer à autre chose. Là, à quelque pas en retrait, faisant face à la clairière, j’aperçois deux personnes côte-à-côte me faisant dos. Je ne l’avais pas remarqué au début, elles étaient à genou. Pendant de longues minutes, je les observe. Tête légèrement penchée vers le sol, dos courbés, mains sur les genoux, du moins, je l’imagine. Elles se relèvent lentement, font un salut en élevant les bras au-dessus de la tête, se font face et se saluent. Se rapprochent, un baiser, un échange. Lui, va rejoindre des enfants jouant au ballon. Elle, ramasse son sac à dos et quitte d’un pas alerte vers la ville.


Je reviens à mon clavier, l’âme en paix. Ma propre méditation continue. Je pense au livre inachevé. Aux références à Mai 68 (sous les pavés, la plage, Ferré) la mort de JFK, 22/11/63. L’an prochain, ce sera le 60e anniversaire de cet assassinat. Je reviens à ma vie en ces années. J’écoute en rafale : À Whiter shade of Pale, Procol Harim; Les feuilles mortes de Jacques Prévert, si bien rendu par Yves Montand; Where Peaceful Waters Flow de Chris de Burg; Sweet Sir GalaHad, de Joan Baez que j’enseignais aux lycéens de Marseille en 1970. 1970 et son Octobre, vécu à Aix-en-Provence, si loin de l’information absorbée à mon retour au Canada en 1973. Je termine avec Simon et Garfunkel, quelques Peter, Paul & Mary. Puis, je sors de l’étagère Je ne veux pas mourir seul, 2010 de Gil Courtemanche. Ce sera pour un autre jour.


Cette journée est le chef d’œuvre d’un texte effacé. La mémoire oublie. Pas longtemps, pas tout! Comme les plantes, il faut l’arroser de littérature et les synapses dégoulinent de belles associations en réserve. Votre vie remonte à la surface avec les scories et les avatars de cette époque. C’est dans le désordre? Tant mieux, je ne veux pas savoir l’heure de ma mort. La vie est une fenêtre sur l’inconnu, l’incertain, l’inachevé.


Découvrez le livre de Benoit Cazabon



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