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Comment écrire un livre en un été ? (Deuxième semaine)



Le blob et l'étagère


Créativité et efficacité ne semblent pas toujours faire bon ménage ? Pire, elles vous semblent inconciliables ? Laissez-moi vous aider.

L'esprit de l'artiste est comparable au blob. Vous savez, cette créature qui n'est ni tout à fait animale ni tout à fait végétale, cette cellule à plusieurs, le Physarum Polycephalum. Comme le blob, l'esprit de l'artiste peut rester en sommeil des années s'il n'est pas nourri. Mais comme le blob, en présence d'un biotope riche, il peut se développer de manière fulgurante là où on ne l'attend pas. C'est dire si, comme le blob, l'esprit de l'artiste est une terra incognita à ceux qui ne partagent pas son mode de fonctionnement.

Les artistes les plus "blobs" sont d'ailleurs souvent considérés longtemps comme des touche-à-tout avant d'être finalement titularisés "génies".

Qu'on me permette d'évoquer le plus célèbre d'entre tous : Léonard de Vinci, dont le Salvador Mundi m'émeut bien plus que la Joconde. Dont l'homme de Vitruve a formaté mon esthétisme. Dont, enfin, les machines infernales m'avaient presque persuadée que cet homme venait d'un autre temps ou d'une autre planète.


Mais je pense aussi à Jean Cocteau, l'un des artistes les plus polymorphes du XXe siècle, poète, peintre, dessinateur, dramaturge, cinéaste, membre de l'Académie française. Amoureux, comme je le fus grâce à lui et à "la Belle et la Bête"- qui hanta longtemps mes nuits -, d'un Jean Marais stupéfiant de beauté. Ce Jean que j'eu la chance de croiser un jour quelques instants, moi encore enfant, lui déjà vieillard mais toujours superbe, dans son atelier de Vallauris.

Et puis enfin une pensée pour Antoine de Saint-Exupéry, auquel Rencontre des auteurs francophones rendra hommage cette année à New York. Rappelons qu'il était auteur, dessinateur et aviateur - un brave aviateur que sa bravoure perdra - et que son iconique Petit Prince est aujourd'hui, après la Bible, le livre le plus diffusé au monde.


Alors, vous qui écrivez et qui me lisez, peut-être vous sentez vous, tout petit, minuscule, infime à l'aune des génies que je viens d'évoquer. Mais si vous êtes artiste, - si vraiment vous l'êtes, pour du vrai comme disent les enfants -, alors c'est qu'il y a en vous ce blob. Ce même blob qu'ils avaient en eux.

Le problème du blob, c'est que quand il s'active, ça peut partir en vrille. Vous voilà, cet été, submergé d'idées et de bonnes résolutions : ce livre, il sera fini pour l'automne, c'est décidé ! Mais comment faire ? Comment dompter le blob ?


C'est là qu'intervient l'étagère...

Ce que vous allez écrire, spontanément, d'un jet, à l'inspiration, vous allez le classer. Immédiatement. Voici le mode d'emploi.

D'abord, assurez-vous de connaître ou de réviser la structure du schéma narratif. Vous pouvez vous inspirer, par exemple, de mon guide "Le voyage narratif" disponible sur Rencontre des auteurs francophones. Retrouvez tous les éléments indispensables à un récit bien construit : exposition, élément déclencheur (interne et externe), complications progressives, crise, climax et résolution. Pour que le récit tienne la route, il faudra impérativement que tous ces éléments soient présents.


Ensuite, pour être sûr de les avoir tous, je vous conseille de procéder de la manière suivante : si vous écrivez à la main sur les feuillets à l'ancienne, mettez sur une étagère de petites nominettes ou déposez-y de jolis casiers nominatifs. Vous y rangerez en fin de journée, à l'emplacement ad hoc, les pages que vous avez écrites. Ou, si vous travaillez, comme moi, à l'ordinateur, créez des fichiers séparés où vous irez déposer, chaque page à sa place, votre production de la journée. Il existe également des programmes, originellement destinés à la création de scénarios, dont la version de base, est généralement gratuite et qui vous permettront ce tri.

L'essentiel est que la production anarchique de votre cerveau surchauffé se retrouve classée et étiquetée en fin de journée.


Enfin, quand vous constaterez qu'il y a sur l'étagère - ou dans l'ordinateur -, assez de matériel récolté pour que le récit tienne la route, vous pourrez procéder à l'assemblage de votre livre. En clair, vous allez assembler, comme bon vous semble, les différents éléments du schéma narratif - tout ce qui se trouve dans les petits casiers sur l'étagère - pour que ce récit vous ressemble. Par exemple, moi, je déteste les longues expositions, les descriptifs de lieux ou de personnages au début du récit : je trouve que cela sent la naphtaline, le XIXe siècle, que cela laisse peu de place à l'imagination du lecteur. Même si je connais mon personnage par cœur, je veux que le lecteur le devine, l'invente, se l'approprie. Alors, ce qu'il faut en savoir, je le saupoudre tout au long du récit plutôt que de le livrer tout cuit. Ou bien, je m'amuse en commençant par la fin. Ou encore, j'alterne la trame principale et un récit secondaire qui vient éclairer l'intrigue et dénouer, en temps utile, le nœud gordien.

À ce stade, peu importe, rien n'a d'importance en fait, sauf vous. Vous pouvez lâcher le blob et le laisser s'exprimer. Restreint qu'il était, contraint à la rigueur pendant la phase de classement sur l'étagère, il n'en sera que plus fou, que plus libre.


Alors vous verrez que l'été sera passé et quand l'automne viendra, il n'y aura ni langueur monotone ni cœur blessé - n'en déplaise à Verlaine - et vos feuilles, loin d'être mortes, ne partiront pas au vent mauvais pour être emportées deci delà, mais seront imprimées, publiées et lues.

Voilà, c'est fait. Vous êtes un écrivain.


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