C’est vrai, les humains font du bruit. Ils parlent fort, ils crient, ils rient, ils pleurent, gémissent, hurlent, applaudissent… peut-être est-ce leur manière à eux, bien inconsciente, de signaler leur vie au-milieu du vide glacé et silencieux qui partout les entoure.
Alors au lieu de les maudire, tu ferais mieux d’admirer leur courage et leur ténacité, même leur lâcheté, leur inconscience ou leur sérieux, leurs croyances, leur inconstance ou leur honnêteté, leur besoin de conquête autant que celui de déserter, de tout abandonner. Leurs vérités deviennent des mensonges et leurs mensonges des vérités, leur innocence se transforme en dureté, leur dureté finit en murmures et patiente douceur, leur vanité devient humilité. Alors, gesticuler en pure perte, se morfondre en secret, tricher pour exister, accumuler ou dépenser, ne rien avoir ou mettre de côté, fanfaronner ou s’isoler, tuer ou faire naître, mutiler, greffer, soumettre, se livrer, ce sont mille façons pour tenter d’exister à croupetons, bien accrochés sur un Monde qui fonce tête baissée, plein de rouge colère irraisonnée et du bleu innocent de la paix, dans une obscurité semée d’une myriade de nuages laiteux. Lui, l’échevelé derviche, n’a d'autre but que de tourner sans fin avec sa charge de vivant au beau milieu de l’œil crevé d’un colossal cyclope, un océan muet dans lequel il se laisse porter par des courants magnétiques le conduisant irrésistiblement vers un point singulier. Un point n’ayant ni nom ni âge, ni forme, ni odeur, ni désir, si ce n’est d’aimanter et d'ancrer l’infini dans une extase illimitée faisant tout chavirer, mais de l’autre côté, là d’où rien ne revient, comme intact, avalé, sans une once de peur, de fiel ou de rancœur.
Alain Cadéo
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L'interview d'Alain Cadéo