Il y a ceux et celles qui ne répondent jamais ou rarement à ce que vous leur écrivez.
Pourtant vous poursuivez vos envois de billets avec la métronomique cadence d’un clavecin bien tempéré, car, c’est très clair, vous n’attendez d’autre retour que cette joie particulière de savoir qu’obligés, agacés ou séduits, ils lisent ces quelques lignes qui leur sont destinées. Ils sont à leur insu fermentation, bouillonnement nécessaire à la naissance des idées. Ainsi je suis heureux, ne les connaissant pas ou si peu, de simplement imaginer leur existence au sein de lieux dont j’ignore tout. Mes mots, ces doux fantômes libres, ont le bonheur de s’envoler, de se poser je ne sais où.
Il me suffit de réaliser qu’ils s’échappent, voyagent et occupent un instant un espace qui n’est plus le mien. Ce qui nous est donné ne nous appartient pas. L’usage qui en est fait ne nous regarde pas. Seul compte le fulgurant passage, qui d’un point à un autre transporte sans attente ni espoir de réponse, la gratuité d'une intention aussi vive et rapide qu’une aile d’hirondelle.
Alain Cadéo
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