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Le Verbe, espèce disparue...

Ecrire, chaque fois, c’est partir vers de nouvelles terres immergées.


C’est ne pas savoir où l’on va. Oui, c’est partir, à l’aveuglette, avec des mots comme béquilles, des mots comme radeaux mal ficelés, mais avec la ferme intention de ramener une poignée de sable, un curieux bout de bois, une plume de geai, une bricole, quelques éclats de verre, tout ce petit matériel que l’on assemble ensuite comme on peut pour en faire une offrande insignifiante à la vie solide carnassière et musclée.


C’est un spectacle journalier, matinée ou soirée, devant des bancs à moitié vides, un petit peuple de fantômes: celui de nos aînés... On est des sacrés gosses! On croit à la magie. On jongle avec des bulles croyant naïvement qu’on fait danser des Mondes. On fait claquer nos fouets sur des fauves empaillés. On se lance sans filets sur des filins d’acier pour éprouver sa vanité. On est des clowns terrorisés devant l’étourdissant silence qui monte des gradins. On est les troubadours d’un cirque itinérant dont il ne reste rien que des champs piétinés sentant l’urine et le crottin de nos poneys dressés.


Ecrire, c’est être un vagabond de la pensée, un pauvre hère s’imaginant être un instant le milliardaire des idées, se retrouvant poches percées sans même un grain de blé, bercé de courants d’air, honteux et tête basse devant ses rêves envolés.

Ecrire, décidément, c’est le miroir aux alouettes de charognards tout déplumés n’ayant plus un seul Verbe à dépecer. Et si le Verbe était de Chair, c’est aujourd’hui un bien mauvais pâté.


Alain Cadéo.


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