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LES MATINS DE BROUILLARD...

Les matins de brouillard sur l’épaisse forêt de chênes. Tout est gris sur du vert. Et le silence est lourd.

Je m’en veux, quelquefois, de vous envoyer ces lettres matinales qui sont les scories de mes nuits. A défaut de pain je partage des mots comme on émiette une miche à peine sortie du four pour d’invisibles moineaux.

Le ciel me couvre et me protège, c’est mon manteau de soie. La Terre me nourrit, c’est mon garde-manger.


Et comment je pourrais ne pas distribuer tous ces petits trésors que le jour me confie? « Bonbons, caramels, chocolats glacés… » Je suis l’ouvreuse de vos entractes, le balayeur de vos angoisses, l’éboueur de tous vos crépuscules, le polisseur de vos diamants bruts, la sentinelle de vos blues, le déchireur de brumes.


Et si j’arrive parfois à percer le mur de vos prisons c’est pour un rai de lumière balayant tout l’obscur. Le reste vous appartient. A vous de démolir vos cachots, à coups de tout ce que vous voudrez.


La liberté c’est de casser nos vieilles chrysalides, de se fringuer avec la peau d’un nouveau né, se balader léger, l’esprit désencombré comme sur un nuage, et même de la mort s’en faire une copine. L’échec est mon cousin, la tristesse ma mie, et mes maîtresses sont nombreuses: mélancolie, rage, fureur, nostalgie, la joie ma préférée.


Tout ce qui est grand, vaste, aussi léger que l’horizon, oblige l’Homme à se défaire de ses accoutrements, des oripeaux de sa misère et du linceul de ses terreurs. Rien n’est meilleur que d’oublier sa condition, de galoper nu comme un ver sur l’arc-en-ciel de ses désirs.


Et je sentais bouillir en moi le café noir de mes idées.


Qui, par orgueil ou facilité, vue courte, stupidité, s’est emparé de l’attirail des choses toutes faites, sera plus lourd qu’une armada pataugeant dans la sanglante boue de ses débâcles.

Qui, par légèreté, belle insouciance, ou presque sainteté aura quitté Raison, Logique ou la sévère et grimaçante Objectivité avec ses traits de juges et ses lèvres pincées, connaîtra le plaisir des choses fugitives, la joie de l’éphémère et les mille soleils d’univers oubliés.


Mais c’est vrai, il est tellement plus facile de se soumettre à l’oeil aveugle et ridé d’un nombril s’imaginant être le Monde, qu’on en efface l’éternelle mémoire d’une Vie affranchie de la pénible et incurable pesanteur. Manque d’imagination? Refus de s’octroyer une vraie Liberté? Comment l’Homme si grand peut-il ainsi s’infliger de se vouloir petit, calculateur, ennuyeux, sordide et dérisoire? Si nous n’avions qu’une ambition, ce serait de franchir la barre des possibles, pour un long vol d’oiseaux migrateurs cassant la cage factice de tous les méridiens.

Et je sentais se refroidir le café noir de mes regrets.


Alain Cadéo.


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