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LES NEUROSCIENCES ET LES EXTRATERRESTRES INTELLIGENTS

Peut-être êtes-vous comme moi un amateur de science-fiction. Amateur ou non, je pense que vous conviendrez que la question de savoir si nous sommes seuls dans l’univers est de la plus haute importance.

Et il n’est pas facile d’y répondre.

L’Univers est tellement vaste que, comme le disait Carl Sagan, si nous étions seuls, ce serait un énorme gaspillage d’espace. En fait, l’Univers est si grand que nous ne pouvons pas avoir de points de comparaison.


Si nous imaginons que nous sommes dans une grande bulle, une bulle univers, alors cette bulle a une frontière. Une limite. Dedans c’est l’Univers, mais alors là-dehors ? Dehors c’est aussi l’Univers. Ou alors, dehors il n’y a rien. Mais rien, comme disait Devos, c’est encore quelque chose. Notre métaphore de la bulle est-elle fausse ? Peut-être que l’univers est sans bords, comme la surface d’un ballon, on peut avancer sans jamais rencontrer de limite et l’on se retrouve au point de départ. Peut-être qu’il est infini, mais cela ne nous dit pas grand-chose. Personne n’a jamais vu quelque chose d’infini. Bref l’univers dans lequel nous vivons, on n’y comprend rien, sauf que, d’après nos critères usuels, il est gigantesque.

Il est fort possible que dans cet univers nous soyons les seuls êtres intelligents.

Vous connaissez l’allégorie du débarras de ferraille ? Un énorme débarras de vieille ferraille se trouve sur le passage d’un cyclone. L’ouragan passé, un Boeing 747 en état de vol se retrouve, tout monté, assemblé par la tempête, à la place de la ferraille. C’est assez improbable. C’est totalement improbable. C’est pourtant plus probable qu’un extraterrestre intelligent. Si on accepte que les lois de la physique soient seules à l’œuvre.


Nous sommes donc soit extrêmement improbables ou alors il manque quelque chose à nos lois.

À vous de choisir.

Moi j’opterais pour la solution la moins anthropomorphique et la plus modeste. Il manque quelque chose à nos lois.


Nous nous promenions sur les quais de Montreux avec mon ami, le neuroscientifique bien connu, Miguel Nicolelis en discutant comme à l’accoutumée de nos questions favorites, quand, en passant devant un certain arbre, nous fîmes une remarque qui pourrait complètement changer ce calcul de probabilité de ferrailleurs. L’intelligence serait beaucoup plus probable que l’on se l’imaginait. Ce serait même une conséquence des lois de la physique. Plus exactement de la thermodynamique des systèmes ouverts. Ceux-ci transformeraient les énergies qui les traversent en organisation interne. Cette transformation se ferait de manière à assurer un meilleur flux d’énergie traversant l’organisme dans l’avenir. Sachant que l’ordre est équivalent à de l’information, cela nous donnerait une nouvelle approche thermodynamique de l’intelligence.


Mais si nos extraterrestres sont alors un peu plus probables, pouvons-nous dire alors d’autres choses à leur sujet ? À quoi ressembleront-ils, auront-ils un langage ? Un cerveau ? Une sensibilité ?


Lisant depuis mon jeune âge de la science-fiction je me plaignais souvent du manque d’imagination des auteurs. Ils nous fabriquaient des extraterrestres un peu trop comme nous. Non seulement leur physique nous ressemblait, mais aussi leurs ambitions et leurs comportements. Ou alors c’était carrément des monstres inintéressants.

En y regardant d’un peu plus près, et au vu de nos connaissances en neurosciences, j’avais tort.

D’abord, ils doivent posséder au moins un cerveau s’ils sont capables de se mouvoir. Ce cerveau doit être suffisamment complexe pour coordonner leur appareil moteur et surtout pour appréhender leur environnement et leur permettre de survivre. Il s’agit de reconnaître les prédateurs et la nourriture. Ils auront des yeux, leur permettant de repérer à distance les dangers. C’est le théorème de Ashby, qui est au cœur de la cybernétique qui s’applique ici. Il nous dit qu’un régulateur est d’autant plus efficace que ses représentations sont fidèles. Le cerveau de nos extraterrestres, comme le nôtre, doit être suffisamment efficient pour leur avoir permis de survivre et d’agir sur leur environnement.


La cybernétique nous dit encore qu’un bon régulateur doit former des images internes de ce qu’il régule. Leur cerveau possède donc, comme le nôtre, un système de représentation. Pour que l’animal puisse s’adapter à suffisamment de circonstances pour développer de l’intelligence, il doit fonctionner par attentes comme le nôtre. C’est-à-dire que les perceptions sont initiées dans le cerveau. Faute de quoi ses possibilités d’adaptations seraient limitées et n’auraient pas pu développer d’intelligence individuelle.

Leur planète d’origine doit présenter suffisamment de diversité et de complexité pour que leur cerveau se complexifie suffisamment pour devenir intelligent. L’intelligence de l’espèce dominante doit refléter la diversité de la planète. Sur une planète de poussières et de rochers, un extraterrestre intelligent n’aurait pas pu se développer. Cette évolution doit être progressive, la planète et l’espèce progressent en tandem. (Et disparaissent aussi en tandem.)


Bien entendu, il y a plusieurs types d’intelligence, il n’y a pas que l’intelligence individuelle, mais ici, c’est celle qui nous intéresse si nous voulons pouvoir communiquer avec ces extraterrestres.

Leur taille doit être semblable à la nôtre entre 1 cm et 50 mètres. En dessous et au-dessus de cette taille, la complexité dans l’univers diminue.



Les lois de la physique fonctionnent par analogie, il n’y a pas d’objet digital dans l’univers. Si vous promenant sur une planète déserte vous tombez sur une montre Rolex en état de fonctionnement, vous pouvez être certain qu’elle ne s’est pas formée toute seule. Les lois de la physique agissant sur les atomes ne les ont pas assemblés de cette manière particulière par le jeu du hasard. Il a fallu passer par un cerveau, un langage et une forme de digitalisation. Les pièces ont été conçues séparément et assemblées de manière à obtenir ce mécanisme. La nature produit des organismes. Seul un cerveau produit des mécanismes.

Si notre extraterrestre intelligent est un robot alors nous pouvons être sûrs qu’il a été créé par un organisme. (Qui peut en attendant avoir disparu.)


Notre extraterrestre a donc forcément un langage symbolique digital similaire au nôtre.

Étant un organisme, c’est un système ouvert, il a besoin d’énergie et il a développé des systèmes pour capter et utiliser l’énergie à son profit.

C’est forcément aussi un animal grégaire. Seul, il n’aurait pas développé de langage symbolique, n’ayant pas besoin de communiquer, l’analogie lui aurait suffi. Seul un langage digital est indépendant de son substrat et peut servir à communiquer avec précision. Étant un animal social il connait toutes les difficultés associées aux systèmes adaptatifs complexes : hiérarchies, discriminations, jeu de pouvoir, corruption…


Il est mortel et sa durée de vie est comparable à la nôtre entre 30 et 250 ans. Sans la mortalité la société ne se renouvellerait pas suffisamment. Elle se scléroserait, fixée sur d’anciennes idées inadaptées à l’évolution de son monde. Savoir que sa vie est limitée est indispensable à la majorité de nos fonctions cérébrales supérieures.


Bref notre liste pourrait continuer. Les extraterrestres intelligents, s’ils existent nous ressembleraient finalement beaucoup.

La certitude de leur existence serait une découverte d’une portée incommensurable pour nous.




Les livres de Ronald Cicurel sont disponibles aux USA


Retrouvez l'interview de Ronald Cicurel

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