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Ma vie est un roman et le baron charmant - Gabrielle Dubois

Photo du rédacteur: Gabrielle DuboisGabrielle Dubois


Un été, il y a… un certain temps, je suis partie travailler loin de toute civilisation au milieu d’une forêt européenne.

Pardon ? Était-ce au fin fond de la Forêt Noire allemande ? Là où sont nées les horloges à coucou en bois au milieu du 19 ème siècle, fabriquées l’hiver par les agriculteurs en buvant des rasades de kirsch ? Euh, non.

Pardon ? Était-ce la forêt de Białowieża en Pologne où vivent bisons européens, loups, et chevaux koniks quasiment préhistoriques ? Euh, non plus.

Bon, d’accord, arrêtez ! Je travaillais dans un hôtel isolé au fin fond de la forêt de Mullerthal au Luxembourg. Quand on n’a ni voiture ni cheval, croyez-moi, les distances s’allongent. Et les six mois de mon contrat de travail promettaient de me sembler des années !


Un jour, un collègue me proposa une promenade en forêt pour cueillir des champignons. Peu méfiante, trop naïve ou inconsciente, je le suivis. Nous n’avions que deux heures, le temps de la coupure. Partis à pied de l’hôtel, nous voilà marchant vers le nord, marchant vers le sud…


J’avais l’impression de tourner en rond. Je demandai :

- C’est un genre de coup de la panne, mais à pied ?

- Non, m’assura-t-il, me laissant dubitative.


Nous prîmes vers l’est, vers l’ouest… Enfin, je le supposais — le temps était gris et le soleil occupé loin de là à jouer dans les cheveux mêlés d’amoureux batifolant dans d’accueillantes clairières. De toute façon les arbres nous l’auraient caché.


- Tu sais où nous sommes ?

- Oui, m’assura le collègue, sans me rassurer.

Accélérant le pas (l’heure tournait), nous continuâmes… N’avions-nous pas déjà emprunté ce sentier ? Rien ne ressemble plus à un hêtre qu’un autre hêtre pour la fille de la ville que j’étais.


Le collègue accéléra le pas.

- Nous sommes perdus ?

- Oui, m’assura-t-il.

Cette fois-ci, je le crus. Sûrs d’être en retard au boulot, nous nous mîmes à courir, droit-devant, non, à droite, non, à gauche, demi-tour… N’importe quoi !


J’hésitai entre rire, rager ou marcher, quand des martèlements de sabots me firent tourner la tête. Un superbe cheval noir, grand et fort arrivait en trottant derrière nous, tirant une sorte de petit attelage découvert monté sur deux grandes roues, supportant une seule banquette. Un beau jeune homme élégant, casquette de tweed et gants de cuir, racé comme son cheval, la conduisait. Je ne m’étais pas trompée sur la race de l’homme : mon collègue me confirma que c’est un baron, le châtelain du lieu, et s’écarta pour le laisser passer.


Au contraire, toute roturière que j’étais, je me plantai au milieu du sentier. D’un mouvement souple du poignet, l’homme stoppa son attelage. Apprenant que nous étions égarés, il proposa de nous ramener sur notre lieu de travail. Il s’excusa poliment de ne pouvoir nous faire monter tous les deux sur la banquette, l’attelage n’étant pas prévu pour plusieurs passagers. Je montai à ses côtés, mon collègue fut invité à s’asseoir derrière, à contre sens, sur un marchepied.

Voilà comment je conçois une charmante promenade en forêt ! Le cheval trotta sans effort et nous mena à l’heure au travail. Merci, monsieur le baron.


Pardon ? Et après ? Eh bien, j’ai épousé le collègue !



 
 
 

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