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Photo du rédacteurSandrine Mehrez Kukurudz

Mon grand Amour - Nirina Ralaivao


L’écriture va et vient dans ma vie. Elle affiche clairement sa préférence en se tournant vers le « va » mais quand par miracle elle « vient », c’est un instant de grâce. Cette nuit, la muse de l’inspiration est venue me solliciter alors même que je sombrai dans le sommeil. Tout comme un insecte facétieux bourdonne et tourne inlassablement autour des oreilles, ma muse est venue me chatouiller. Je ne l’attendais pas. Je n’en voulais pas. Néanmoins, son appel a surpassé ma torpeur et ma propension naturelle à la paresse. « Raconte nos plus belles histoires d’amour ! ». Impossible de ne pas répondre à cette belle invitation au voyage où là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.


C’est ainsi que j’ai quitté la douceur de mon lit pour rejoindre la barbarie câline de l’écriture. Ecrire est une chose, mais à l’origine c’est l’amour de la littérature qui donne son élan à l’envie de poser ses propres mots sur une feuille.


Ma première belle rencontre. Celle qui reste à jamais dans mon cœur, c’est celle avec Hermann. J’avais 15 ans quand il est entré dans ma vie. Hermann HESSE. Il paraît que le premier amour ne s’oublie jamais. J’en suis convaincue.

Cet amour a grandi à mesure que je tournais les pages des œuvres de ce brillant auteur d’origine allemande. Rien de plus fort à mes yeux qu’un amour comme celui-ci.


Au départ, il n’est qu’une petite étincelle sans grande importance. Puis, en se nourrissant d’expériences et de moments forts, la simple attirance devient une passion. « Siddharta », « Demian », « le loup des steppes », « Narcisse et Goldmund » et tellement d’autres encore…

Plus je tourne les pages, plus je ressens des émotions singulières. Je partage la vie des personnages qui tantôt m’attirent, tantôt me révoltent mais qui jamais ne me laissent indifférente. Je découvre la philosophie orientale, les tourments de ceux qui sont tiraillés entre la voie tracée par les autres et celle, plus difficile de leur cœur. Je découvre aussi la sensualité.


L’adolescente que j’étais se sent moins seule, lui, l’auteur, Hermann, a aussi parcouru les mêmes chemins que moi. Lui aussi comprend mes doutes, mon envie d’écrire, d’en faire ma vie alors qu’on attend autre chose de moi. Lui, a eu le courage de réaliser ses rêves.

Je l’admire. J’admire aussi la qualité de ses écrits, la façon subtile d’aligner les mots pour en faire des colliers de phrases dont je me pare. Je m’éveille pour la première fois à la littérature. Je tombe amoureuse. Hermann Hesse a inscrit sa marque dans mon cœur d’auteur et de femme. Pour toujours. J’admire l’écrivain, j’admire les personnages.

Je me promets alors de n’aimer dans la vie que ceux capables de susciter autant d’admiration en moi.


Puis, vint une autre rencontre.


J’ai 17 ans.

« L’alchimiste » de Paulo Coelho vient de paraître en France, mon père me l’offre et ma vie prend définitivement un nouveau sens. Déclinant des invitations, je passe le premier jour de l’an 1995 à lire cette œuvre extraordinaire. Une journée pour aborder la vie sous un angle nouveau et se dire qu’il existe un autre homme que je peux admirer. Je rencontre Santiago, je parcours le chemin vers son trésor avec lui, et, moi aussi je m’interroge sur ma légende personnelle tout en découvrant où se cache son trésor tant convoité.

J’ai 17 ans et Paulo Coelho me parle : « la légende personnelle c’est ce que tu as toujours souhaité faire. Chacun de nous, en sa prime jeunesse, sait quelle est sa légende personnelle. A cette époque de la vie, tout est clair, tout est possible, et l’on n’a pas peur de rêver et de souhaiter tout ce qu’on aimerait faire de sa vie. Et quand tu veux quelque chose, tout l’Univers conspire à te permettre de réaliser ton désir. »

Il me dit aussi : « personne ne doit avoir peur de l’inconnu, parce-que tout homme est capable de conquérir ce qu’il veut et qui lui est nécessaire. Tout ce que nous craignons, c’est de perdre ce que nous possédons, qu’il s’agisse de


notre vie ou de nos cultures. Mais cette crainte cesse lorsque nous comprenons que notre histoire et l’histoire du monde ont été écrites par la même Main. »

Je vibre totalement sous le breuvage envoûtant de ces paroles. Je sais quelle est ma légende personnelle. Depuis toujours. Paulo Coelho me rassure, me fait me sentir belle et forte.

Ce chiffre 17 est important.

En effet, 17, c’est aussi la note que j’obtiens à l’oral du bac français grâce à cette œuvre.

Pourtant, l’examinatrice était peu acquise à ma cause au départ.

Obligée de commenter un poème déclenchant autant d’émotions en moi que la vue d’une feuille de calcul, à savoir l’indifférence totale, je survolai le texte et ne distillai que de fades remarques dignes d’un programme TV. Pourtant, je laissai passer une ou deux phrases pertinentes, bien malgré moi, qui ont su convaincre l’examinatrice que je possédais quelques facultés de raisonnement.

A moins qu’un Ange des causes perdues n’ait décidé de battre des ailes à mes côtés :

- Question annexe, Mademoiselle, avez-vous lu « l’alchimiste » de Paulo Coelho. Je sais que ce n’est pas au programme et que peu d’élèves connaissent ce livre, mais, au regard de vos précédents commentaires, je serais curieuse de savoir si vous avez parcouru ce texte ?

- Oui. Je l’ai lu ! Je me rappelle encore avoir souri en prononçant ses mots.

Un vrai sourire contenant tous les commentaires, toutes les explications que j’aurais pu faire mais ce n’est qu’un sourire suivi d’un grand silence.

Pendant quelques secondes nous nous observons, une conversation sans mots s’établit entre nous, rompue par l’examinatrice quand elle dit soudain : « Mademoiselle, la littérature est sûrement votre légende personnelle… ».

Elle se lève alors et m’accompagne jusqu’à la porte avec un regard chaleureux et complice. Paulo Coelho nous avait réunies. L’amour des lettres rassemble.


Aujourd’hui encore, du haut de mes 44 années à m’empêcher de vivre ma légende personnelle, je revois ces instants où j’ai rencontré cet auteur pour lequel je nourris encore une affection sans borne.

D’autres amours sont aussi entrées dans ma vie. Il y eut René Barjavel, Marion Zimmer Bradley, Alfred de Vigny et Jane Austen…

C’est pour eux que j’ai toujours voulu écrire. C’est à cause d’eux que je n’écris pas. Comment pourrais-je moi aussi rejoindre le firmament de ces êtres admirés, aimés alors que je n’ai pas la plume habile, le verbe adéquat ni même leur courage !

Cependant, une chose est sûre, à défaut d’être un écrivain, je suis une fervente amoureuse de la littérature.

Ma vie m’a amenée à déménager, à changer d’espaces de vie, de métiers, d’univers, de pays, pour quelques jours ou quelques années mais toujours, les livres de mes grands amours m’ont suivie. J’emporte toujours dans mes valises Hermann Hesse et Paulo Coelho, quelle que soit la destination de mon voyage.

Je n’ai pas besoin de vêtements. Je m’habille de mes livres et les mots me servent de maquillage.


Ce sont mes vraies histoires d’amour. Les hommes aussi sont entrés dans ma vie, mais les livres eux resteront à tout jamais près de moi.


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Sandrine, ton texte m'a donné des frissons, il est tout simplement magnifique, il relate des fragments de ta vie avec toute la délicatesse que tu apportes dans tes écrits et ta passion pour ces écrivains que tu emportes toujours dans tes bagages. Il est certain que la littérature est une passion dévorante, souvent incompréhensible pour ceux qui en ignorent l’emprise. Tes vraies histoires d'amour telles que tu les dépeins sont envoûtantes, tes mots sont beaux, sont forts, sont subtils, chargés d'émotion, tout est dit dans ce joli résumé. Mariaclara

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