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Voyageurs immobiles - Alain Cadéo

Comme j’aurais aimé avoir un coin de terre, peut-être pas plus grand qu’un tapis de prière, où je me sente bien ! L’un a son chêne, l’autre sa rue, bistrot, jardin, rivière ou Alaska, Inde ou Tibet, île ou Pérou. Faut-il toujours aller plus loin pour se débarrasser de ses viscères et de ces sales impressions gâchant le fruit du jour, groseille acide et délicieuse de l’instant, citron vert de nos heures ou l’éclatante orange-amère, dans la forêt lunaire d’un Douanier-Rousseau ?


Toute habitude, aussi rassurante soit-elle, est calcification, paralysie figeant tous nos élans, bloquant, dénaturant le goût, la saveur, les couleurs. Il suffirait dit-on de regarder, de voir, de renifler, de caresser tout autrement pour se sentir dans le subtil et délicieux ailleurs. Ce n’est rien que trois pas, un quart de tour dans l’hémisphère droit d’un cerveau décrassé, les cassures rythmiques du métronome cœur, le souffle aussi bien sûr, celui d’un pisteur, coureur de fond, toujours sur le qui-vive, nerveux et attentif comme une corde de violon.

Mais qu’il est difficile de briser les aveugles et les sourdes cloisons de sa propre prison ! Tourner en rond, c’est s’installer dans la durée, sans émotion. Il y a pourtant au seuil de nos blindages profusion de moissons... et que dire du moindre horizon vous faisant perdre jusqu’à l’idée de votre nom ! Oui, voilà ce que j’aime, ne plus savoir ni où je suis, ni qui je suis, ni d’où je viens, ni où je vais. Vertiges. Tout est si neuf autour de toi. Tu ne sais rien. Tu es l’enfant que tout régale. Puceau stellaire, tu découvres soudain ce qui depuis toujours était là, offert et bouleversant, sous ton nez, à portée de tes mains, devant toi: l’Absolu, ce miracle hors du Temps.


Alain Cadéo


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