Il y a quelques jours, Gallimard a demandé au bon peuple de cesser momentanément de lui envoyer des manuscrits. La maison Gallimard, phare de l’édition française, fondée en 1919 par Gaston, dirigée aujourd’hui par Antoine, se sentait débordée par tous ces manants qui, inspirés sans doute par ces temps de Covid-19, voulaient non seulement écrire, mais aussi être publiés. Car, on l’a bien compris, le message de Gallimard ne s’adressait pas à ses auteurs et amis ! Un auteur ou une autrice Gallimard, cela se respecte ! Non, il s’agissait bien de claquer la porte au nez des mendiants.
Bref, cette annonce m’a agacé et je ne suis certainement pas le seul. La façon avec laquelle Gallimard envoie paître les auteurs en herbe, est au mieux maladroite, au pire condescendante. Sur le fond, il ne s’agit pas de nier que le marché de l’édition (car, oui, c’est un marché) est totalement saturé et qu’il est malhonnête de faire croire à chaque Français, comme le font certains, qu’il peut devenir écrivain. J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ici. Mais était-ce bien à Gallimard de faire passer un message d’une telle sécheresse ? La période actuelle, avec tout ce qu’elle génère en inquiétude et en solitude, ne me parait pas être le meilleur moment pour expliquer à celles et ceux qui ont envie et besoin d’écrire qu’ils n’ont aucune chance d’être publiés.
Mais je vois ici l’occasion de revenir un instant avec vous sur mon rapport à l’écriture et au monde de l’édition.
J’ai eu la chance de voir cinq de mes livres publiés en peu de temps. Le premier, Jours tranquilles à l’Est (Riveneuve Editions), est paru en 2013, et le dernier, Lille Atomic (Fauves Editions), vient de paraître. Je rassure cependant ceux que cette frénésie pourrait inquiéter : je n’ai pas l’intention de publier un livre par an ! Ce n’est ni mon envie, ni mon intérêt. Il se trouve simplement que certains de mes textes sommeillaient depuis quelques années dans un tiroir et d’autres (Quand tu iras à Saigon et Lille Atomic) ont été portés par une actualité personnelle ou locale. Aussi, lorsque j’ai rencontré un éditeur qui a bien voulu me donner ma chance (un merci renouvelé à Gilles Kremer et à Yves Michalon), les choses sont allées assez vite.
Je vais maintenant lever le pied et prendre tout le temps nécessaire à l’écriture de nouvelles histoires. Ecrire autrement sans doute, sortir de ce que j’ai déjà appelé « le piège de l’écriture efficace« . M’amuser un peu aussi. J’avais, par exemple, pris beaucoup de plaisir à participer, en 2012, à un festival international de fiction sur Twitter. Je ne suis pour le moment qu’un auteur, pas un écrivain. Si je veux progresser, je dois travailler encore et c’est une perspective réjouissante.
En matière d’édition, je pense la même chose que pour les librairies : l’avenir appartient aux petits, aux indépendants. Les grosses machines qui écrasent tout sur leur passage, jusqu’à imposer aux librairies des livres qu’elles n’ont pas commandés, c’est le vieux monde. Les temps sont à l’agilité, la mobilité, à la réactivité et à la proximité. Je tire mon chapeau à celles et ceux qui leur donnent vie à une « petite » maison d’édition. Je suis persuadé qu’elles sont l’avenir.
Et pour revenir un instant à Gallimard : en tant que lecteur, je me réjouis de lire Karine Tuil, François Sureau, Arnaud de la Grange, et bien d’autres… Alors, Antoine ! Pas fâché ?
Cet article est paru sur le blog de Marc Capelle le 16 avril 2021
Les romans de Marc Capelle sont disponibles aux USA :
Revoir l'interview de Marc Capelle sur Rencontre des Auteurs Francophones :
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