Faudra-t-il toujours que mes nuits soient le mauvais reflet de mes jours? Elles sont caricatures de détails, épluchures de bonnes, trépidantes et vieilles sensations. Comment voulez-vous qu’avec cela je me nourrisse ?
Chaque petit matin je m’extirpe de cette déchetterie aux relents fades, triant quelques brumes d’images loqueteuses, clochard trainant debout son sac de fruits et de légumes avariés.
Où sont passés les flamboyants sommeils porteurs de rédemptions, les succulents fumets du désir formant des arcs-en-ciel autour de corps glorieux? Où sont parties les phrases sibyllines ouvrant le goût des interprétations? Les surprenantes visions indiquant un chemin grimpant mais de lumière? N’ai-je droit désormais qu’aux relents nauséabonds d’un piétinement dans les flaques du découragement? Et comment voulez-vous qu’avec ça je prenne pied sur une terre de promesses?
C’est miracle que je me lève encore et trouve les mots sonores comme graviers de rivière pour ceux qui me croyant carré, solide, viennent chercher leur part de réconfort. C’est bougrement revigorant, c’est bien mon seul cadeau, d’avoir spontanément en bouche, nid de truites, le verbe qui rafraîchit, rassérène, nourrit celui ou celle qui devant toi, humblement, n’attendant rien de précis, a soudainement senti que son coeur se remettait à battre la belle chamade du vent et du Vivant.
« Mais où allez-vous chercher tout ça? »… C’est bien ce à quoi je suis incapable de répondre, mes rêves ayant été bouffés par le cruel acide d’une lucidité sans pitié.
« Mais alors, où allez-vous vous approvisionner? »... «Dans un champ oublié, tout en haut d’un plateau, la réserve sacrée où sommeillent encore les dieux indestructibles d’une immense bonté… »
Alain Cadéo.
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